Madame de Polignac, fidèle amie ou arriviste?
Qui fut Madame de Polignac ? Un personnage phare de l'entourage de Marie Antoinette... mais extrêmement difficile à cerner. A commencer par son nom. Comment s'appelait exactement Madame de Polignac ? Les prénoms de Yolande Martine Gabrielle de Polastron sont en effet trop souvent écornés par les historiens les plus sérieux.
Cela peut paraître anodin mais, d'emblée, apparaît une inconnue de taille : on ignore à quel prénom répondait celle qui fut l'amie la plus proche de Marie Antoinette pendant de longues années.
Si Chantal Thomas, comme beaucoup d'auteurs anglophones, se plaît à l'appeler Gabrielle, la plupart des biographes de la reine la nomment Yolande. Mais tous s'accordent sur le surnom de "comtesse Jules" et Philippe Erlanger nous donne même une petite explication : on ne prononçait pas ce prénom sorti du Moyen Age, les familiers appelaient la jeune femme "Jules" comme son mari.
Par un curieux caprice du hasard, Yolande Martine Gabrielle de Polastron est née le 8 septembre 1749, exactement le même jour et la même année que la princesse de Lamballe, l'autre amie célèbre de Marie Antoinette...
Dès l'entrée à la cour de Madame de Polignac, les témoins sont partagés sur son compte. Certains louent son charme et sa douceur de caractère, comme Madame Campan, d'autres ne l'apprécient guère, comme Bombelles, par exemple... et, hélas pour elle, l'incontournable Mercy...
La situation ne s'améliore guère avec les siècles. Si Madame de Polignac apparaît dans tous les ouvrages, ou presque, consacrés à Marie Antoinette, les auteurs choisissent parfois de faire d'elle le mauvais génie de la reine, cause de ses tourments et ingrate de surcroît ! Epinglons par exemple Jean Chalon.
Heureusement, la plupart des spécialistes de Marie Antoinette font preuve d'un peu plus d'objectivité et, face aux positions radicalement opposées des contemporains, ils s'interrogent...
la duchesse de Polignac par Elisabeth Vigée Le Brun, 1782
http://commons.wikimedia.org/wiki/File:Duchess_de_Polignac.jpg
La tâche est d'autant plus ardue que Madame de Polignac a été peu étudiée pour elle-même. Elle n'apparaît généralement qu'à travers les biographies de Marie Antoinette. Et, le plus souvent, la vision donnée reste influencée par la fin tragique de la reine, et pâtit de la comparaison avec son autre amie, la princesse de Lamballe.
Parmi les biographes de Marie Antoinette, Antonia Fraser est peut-être celle qui s'écarte le plus de ce portrait convenu. Elle pose des questions de fond et met en évidence le rôle positif que cette affection a joué auprès de Marie Antoinette.
Jusque récemment, le passionné devait essayer de glaner les renseignements dans des ouvrages thématiques ou des revues :
Philippe ERLANGER, Aventuriers et favorites, France Loisirs, 1972, pp 345-364, une étude sérieuse en dépit de sa brièveté;
W. R. H. TROWBRIDGE, Sept Belles Pêcheresses, Tallandier, sans date (1924), dont le contenu est à l'avenant du titre...
Edmond GISCARD d'ESTAING, La duchesse calomniée, in Historia n°369, août 1077, pp 24-32, précis et approfond;
Hedwige de POLIGNAC, Une amie de Marie Antoinette, in Historia n° 160, mars 1960, pp 359-364.
D'intéressants renseignements, inédits ailleurs, peuvent aussi être trouvés dans l'ouvrage d'Olivier BLANC, L'Amour à Paris au temps de Louis XVI, Perrin, 2002.
A condition de pouvoir se les procurer, il y a aussi les mémoires d'époque, comme les souvenirs de Madame Campan ou, plus inaccessibles, ceux de la duchesse Diane de Polignac ou du marquis de Bombelles.
Heureusement pour nous, Yolande Martine Gabrielle est désormais le sujet d'une biographie très bien documentée et très fouillée publiée par Nathalie COLAS DES FRANCS, Madame de Polignac et Marie-Antoinette : Une amitié fatale, les 3 Orangers, 2008.
Et, bien sûr, je m'en voudrais de finir cette bibliographie succinte sans mentionner le si beau roman de Chantal Thomas, Les adieux à la Reine, qui nous révèle, par petites touches, un portrait aussi nuancé qu'inspiré de l'insaisissable Gabrielle...
