Une danseuse italienne préparant la fuite à Varennes? (7)

Publié le par pimprenelle

De 1799 à 1802, Quintin Craufurd se fixe donc seul à Vienne, où il s'adonne à l'étude. Le dévouement qu'il a manifesté à l'égard de Marie Antoinette lui vaut un bon accueil à la cour de François II. A Vienne, il retrouve des amis du bon vieux temps, émigrés eux aussi. Il fréquente notamment le prince de Ligne et Sénac de Meilhan, épris comme lui de belles lettres. 
 
 
 


Dès la signature du traité d'Amiens, le 25 mars 1802, Craufurd réitère auprès du gouvernement consulaire ses démarches pour rentrer à Paris. La protection de Talleyrand empêche que son implication dans l'affaire de Varennes ne fasse du bruit. La police se contente de signaler qu'il vivait autrefois à Paris avec une femme étrangère. La maison de la rue de Clichy a été détruite, Quintin réclame la restitution des meubles, tableaux et objets d'art qu'elle contenait.

C'est alors qu'il épouse Eleonore Sullivan à la municipalité de Paris, à la chapelle protestante de l'ambassade d'Angleterre et à l'église catholique de Saint Germain en Laye. La fille d'Eleonore vient habiter à Paris, elle aussi, avec son mari. Le capitaine d'Orsay avait en effet également obtenu sa radiation de la liste des émigrés.
 
Ce n'est pas sans mal que Quintin Craufurd parvient à se maintenir en France sous le consulat. Après une trève d'un an, la guerre a recommencé, et les Anglais sont considérés comme prisonniers politiques. 

Quintin se retrouve assigné à résidence à l'extérieur de Paris, sous la surveillance de la police. Il se tire d'affaire grâce à la protection de Talleyrand, qui l'a connu avant la révolution et l'apprécie beaucoup. Ainsi Craufurd et sa femme peuvent-ils rester à Paris sans être inquiétés.

La famille de Quintin, ses frères et ses neveux, participent à l'action anglaise contre la France. Mais pas Quintin. Quant à Eleonore, toujours aussi royaliste, elle est restée en contact avec Goguelat, réfugié à Vienne. 
 
 
 
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Une lettre du chef de la haute police, en 1804, nous décrit Eleonore comme une femme intrigante, d'un mauvais génie et dangereuse, se prononçant d'une manière impertinente contre le gouvernement français et tout ce qui y tient. 

Quintin, lui, apparaît dans ce rapport comme un homme usé, qui est sous la dépendance de cette dame, mais personnellement est estimé pour son caractère doux et son commerce aisé. 

Ses qualités ne font pas toute sa valeur, puisque le texte ajoute : Il a près d'un million placé dans nos fonds. Il est en liaison avec Monsieur de Talleyrand et sa société et n'est rien moins qu'exalté contre le nom et le gouvernement français.

Aussi, lorsque l'empereur charge Talleyrand de négocier avec l'Angleterre en 1806, Craufurd apparaît-il comme un intermédiaire naturel. Beaucoup d'Anglais fréquentaient en effet son salon de la rue de Varennes. Craufurd y habitait un hôtel qu'il céda en 1808 à Talleyrand en échange de celui que Talleyrand possédait rue d'Anjou.
 
Le ménage Craufurd est donc de retour à Paris et très lié avec les Talleyrand. La collection d'objets d'art amassée par Quintin a été dispersée. Ses tableaux ornrny des bureaux ministériels et ses statues le jardin des Tuileries ! Notre esthète ne recouvrera ses chères possessions qu'à la restauration, et encore, rien qu'une infime partie. Mais, en 1815, Craufurd a obtenu du gouvernement une indemnité, en compensation de la destruction de sa maison, de la perte de sa collection et des avances faites par sa femme à la famille royale. 

Quintin s'attelle donc à une nouvelle collection, visant à reconstituer l'histoire de France par ses personnages célèbres. Il rédige à cet effet un catalogue, aujourd'hui perdu. Mais les quelques notices qu'il en a extraites pour les publier existent encore, nous livrant ainsi des portraits d'Agnès Sorel, Madame de Montespan ou Marie Antoinette. Un portrait par Sauvage et un buste grandeur nature tônaient d'ailleurs dans le cabinet de Craufurd...
 
Craufurd consacre désormais sa vie à l'écriture. Il achève et publie, en deux volumes, des Essais sur la littérature française, langue à laquelle il voue une véritable adoration. Il rédige aussi un ouvrage sur la Grèce, dont il compare le génie à l'esprit français. Mais seul un chapitre paraîtra dans une revue anglaise, en 1817.

Pour mieux faire connaître l'Angleterre aux Français, il avait publié en 1808 un Essai historique sur le docteur Swift et sur son influence dans le gouvernement de la Grande Bretagne

Dès 1809, notre homme bénéficie de l'appui de Joséphine. En effet, l'étoile de Talleyrand a pâli, mais celle de l'impératrice, en dépit de son divorce, n'a rien perdu de sa lumière.
Une danseuse italienne préparant la fuite à Varennes? (7)

Joséphine dans son salon, vers 1801, par François Gérard
  

Craufurd raconte cette entrevue:

En 1810, peu de temps après son divorce, l'impératrice Joséphine me fit dire par une de ses dames, Mme la Comtesse d'Audenarde, qu'elle serait bien aise de me voir; et que, n'étant plus, elle, qu'une simple particulière, elle ne croyait pas qu'il y eût aucun inconvénient pour moi à venir chez elle. Je me rendis à la Malmaison et nous y dinâmes ensuite, ma femme et moi, tous les lundis, et cela dura jusqu'à sa mort. Elle avait souvent de la musique : en tout, sa maison était fort agréable. Elle était bienfaisante, douce, sensée et se conduisait à l'époque dont je parle avec beaucoup de mesure et de prudence.
 
 
... suite... 

 

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