Et si Marie Antoinette était devenue comédienne?

Publié le par pimprenelle

A tout seigneur tout honneur, je commencerai cette série d'uchronies par la plus belle, celle que Chantal Thomas a insérée au beau milieu de sa très sérieuse et très pertinente étude universitaire La Reine scélérate : Marie-Antoinette dans les pamphlets.

 

La reine, sentant tourner le vent de l'histoire, a quitté Versailles en secret pour s'engager dans une troupe de théâtre.

 

Elle s'était toujours pensée unique, irremplaçable. Elle avait vécu dans la conviction que ce qui advenait à la fille de l'impératrice Marie-Thérèse et à l'épouse du roi de France était marqué du sceau de l'exceptionnel. Elle n'avait sous les yeux que des paysages aussi harmonieux que des tableaux (au point qu'elle se demandait pourquoi la peinture existait). Partout elle ne rencontrait que révérences et sourires.

 

Mais cette féerie de la Perpétuelle Adoration avait cessé. En 1785, pour ses 30 ans, Marie-Antoinette, avec l'affaire du collier, avait été confrontée à la haine. Et surtout à cette révélation : une Mlle Oliva avait pu la remplacer, se faire passer pour elle, une fille, une prostituée ! Elle essaie d'oublier. Elle joue le rôle de la jeune Rosine dans Le Barbier de Séville de Beaumarchais. « Rosine, surprise. - Ah ! monsieur Figaro, que je suis aise de vous voir. Figaro. - Votre santé, madame ? Rosine. - Pas trop bonne, monsieur Figaro. - L'ennui me tue. Figaro. - Je le crois ; il n'engraisse que les sots. » (Applaudissements discrets.)

 

Quatre ans plus tard, à l'aube, peu après le défilé pour l'ouverture des États généraux, le dernier spectacle auquel son fils mourant put assister, Marie-Antoinette est seule dans son cabinet de jeu. Elle vient de perdre des sommes colossales. Elle regarde le parc désert. Soudain elle est traversée par la certitude que pour elle tout est fini. Le malheur l'a expulsée de son rôle de reine. Elle quitte Versailles enveloppée dans une cape noire. Elle rejoint en secret une troupe italienne de passage et affronte une vraie salle. Fini les faux compliments du petit Trianon. Maintenant elle doit conquérir une foule d'inconnus. Peu à peu elle apprend. Elle apprend les cahots des chemins, la crasse, la fatigue, la faim. Elle découvre aussi le pouvoir d'enchanter pour un soir la vie des autres. Son passé a disparu. Elle parle et rêve en italien.

 

Un jour de novembre dans une petite ville thermale où la rivière est déjà prise dans les glaces, elle entend dire que la reine de France a été guillotinée. Elle pense, en enfilant son costume d'Arlequine, qu'elle l'a échappé belle, et bondit sur la scène avec une joie sauvage.

 

http://www.lefigaro.fr/livres/2009/02/12/03005-20090212ARTFIG00455-et-si-marie-antoinette-etait-devenue-comedienne-.php

Et si Marie Antoinette était devenue comédienne?

http://expositions.bnf.fr/rouge/grand/21.htm

 

Magnifique, n'est-ce pas ? On la voit s'élancer... J'aime particulièrement la joie sauvage... et le fait que cette fin alternative tombe comme ça entre deux doctes considérations. Comme si Chantal Thomas, qui a si bien su parler de Marie Antoinette, avait été saisie d'une inspiration irrésistible... aussi irrésistible que le désir de s'enfuir qui a obsédé Marie Antoinette jusqu'à l'ultime matin... 

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