Madame de Polignac, fidèle amie ou arriviste? (3)

Publié le par pimprenelle

Arriviste, c'est sûr... C'était du moins l'idée que m'avaient donnée de la petite duchesse non pas les pamphlets, je ne les avais pas encore lus, mais les biographies de Marie Antoinette. Le pire est sans doute Jean Chalon, qui fait d'elle le mauvais génie de Marie Antoinette... Avouons qu'il tire son méchant portrait de Nesta Webster, dont le moins qu'on puisse dire est qu'elle ne porte pas Madame de Polignac dans son coeur!

 

Le récit tel que je me le construisis ainsi à partir des livres d'histoire s'articulait comme suit: une bande de courtisans ambitieux fait venir à Versailles une charmante jeune femme dans le but d'en faire la favorite de la reine. Et ça réussit! Pour s'attacher mieux encore l'affection de la souveraine, la petite comtesse se la joue modeste et démunie. Elle fait semblant de vouloir partir avant d'aimer trop Marie Antoinette. Bingo! La reine craque et lui offre tout ce qu'elle veut.

 

Dès lors, une pluie de bienfaits sonnants et trébuchants se répand sur la belle comtesse et tout son entourage. Elle devient duchesse, puis gouvernante des Enfants de France... Son élévation dans les honneurs et les richesses semble ne jamais devoir s'arrêter... Alors éclate la révolution. Et notre ingrate s'empresse de plier bagage, premier des rats qui quitteront le navire.

 

Voilà...

 

Bon, déjà, ce portrait trempé dans le fiel ne correspond pas du tout aux traits de la duchesse, à son expression douce et alanguie...

Madame de Polignac, fidèle amie ou arriviste? (3)

Madame de Polignac par  Elisabeth Vigée le Brun

http://maria-antonia.justgoo.com/t6-la-duchesse-de-polignac

 

Mais, me direz-vous, l'air ne fait pas la chanson. Et puis Madame Vigée le Brun est connue pour idéaliser ses modèles.

 

D'accord, mais il y a plus. Et d'importance! Marie Antoinette elle-même. 

 

La première dissonance qui m'a en effet sauté à l'esprit, c'est le gap entre la Polignac peinte par les biographes et la plus tendre des amies à laquelle s'adresse la reine. Non seulement les lettres de Marie Antoinette sont affectueuses, mais elles respirent la confiance. Une foule de détails quotidiens révèle le degré d'intimité dans lequel vivaient ces deux femmes: Marie Antoinette y parle de sa santé, de sa mauvaise jambe, du surnom de son fils qu'utilisait la famille Polignac et qui les lui rappelle. Elle donne des nouvelles de son mari et de ses enfants, en demande en retour du duc, de leurs petits garçons, du grand Armand qu'elle embrasse, de Guichette qu'elle considère, insiste-t-elle, comme sa fille d'adoption. 

 

Quelque chose clochait, me disais-je... Ce n'étaient pas les mots qu'on adresserait à une arriviste, ni à une cynique, ni même à une petite oie manipulée par son entourage. Ce qui se dégageait de la correspondance de Marie Antoinette, c'était que Yolande Martine Gabrielle était son amie de toujours et une personne digne de confiance.

 

Un autre point me chiffonnait : j'avais lu que la duchesse était morte de chagrin. Bien entendu, les plus prosaïques des lecteurs penseront qu'elle s'est éteinte de maladie, point à la ligne. Je veux bien... Toujours est-il que la coïncidence est troublante : Marie Antoinette est exécutée le 16 octobre 1793 et Madame de Polignac décède dans la nuit du 4 au 5 décembre suivant. 

 

C'est certain, la description de Madame de Polignac que donnent les biographes de la reine est injuste, voire carrément fausse. Et ce non seulement à l'égard de l'intéressée, mais aussi envers Marie Antoinette, que cette vision suppose assez idiote pour donner son amitié à une intrigante qui ne la méritait pas.

 

Sans aller jusqu'aux pamphlets, dont nous savons pertinemment qu'ils appartiennent à la littérature de caniveau et qu'il n'y a donc aucune vérité historique à y chercher, penchons-nous sur les plus gros reproches retenus par les historiens et biographes contre Madame de Polignac. Nous essayerons en même temps de comprendre les raisons qui ont motivé Marie Antoinette.

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