Marie Antoinette, une gentille écervelée?

Publié le par pimprenelle

Voilà un sujet qui me tient particulièrement à coeur. En effet, depuis les années que j'étudie Marie Antoinette, que je lis et relis ses lettres, que je m'interroge sur ses émotions et motivations, j'en suis arrivée à l'écoeurement devant les images guimauves que la tradition répand encore sur elle.

Je m'explique... Comme le remarque Chantal Thomas, quiconque souhaite connaître en profondeur Marie Antoinette est d'abord subjugué par l'abondance des sources. Un premier tri aura tôt fait de le désappointer: en gros, en effet, nous avons d'un côté les caricatures de la Révolution et de l'autre les témoignages complaisants de la Restauration. Tous nous renseignent abondamment sur l'esprit et les préoccupations des époques qu'ils représentent, mais très peu sur Marie Antoinette.

La propagande révolutionnaire visait à noircir la reine, celle du retour monarchique à la blanchir. On peut donc considérer avec bon sens que Marie Antoinette se situe quelque part entre la catin et la sainte. Mais où?

A cette incertitude s'ajoute celles créées de toutes pièces par le mythe populaire. Au grand public, il faut une Marie Antoinette fragile, délicieusement écervelée, innocente, amoureuse tragique souffrant en silence, adolescente attardée qui pleurniche sur un anneau et une mèche de cheveux. Les foules qui font et défont les légendes s'accommoderaient très difficilement d'une vision plus pondérée de Marie Antoinette.

Pourtant, les écrits de la reine elle-même attestent qu'elle était bien plus que cette petite oie plus ou moins blanche, qu'il y avait en elle une part très nette de calcul, de manipulation et de diplomatie dans toutes les acceptions du terme. Par exemple, contrairement à l'idée répandue, Marie Antoinette ne commandait pas de magnifiques robes et de resplendissants objets que pour s'éclater, mais aussi pour mieux remplir sa fonction de reine et faire fonctionner l'artisanat français.

... ou à l'occasion autrichien, c'est vrai, la reine a toujours eu le coeur assez grand pour y embrasser deux patries.

En fait, de nombreux passages dans les lettres de Marie Antoinette à sa mère montrent qu'elle s'intéressait aux affaires, même toute jeune, et que, dès le départ, elle est un être à multiples facettes qu'il convient, lorsqu'on essaie de l'étudier, de laisser coexister. Marie Antoinette, c'est une femme pleine d'aspirations, de rêves, de désirs, de préoccupations, une femme capable de caprices et de coups de sang, mais aussi d'amitiés indéfectibles et de plans à long terme.

Marie Antoinette, une gentille écervelée?

http://maria-antonia.justgoo.com/t293p150-son-influence-dans-les-affaires#312486

Mais laissons le dernier mot à l'une des plus éminentes spécialistes de notre reine:

Marie Antoinette n'est pas réductible à une seule image. Femme de tête, elle est dotée d'un sens politique assez fin qui conduit le roi Louis XVI à lui ouvrir les portes de son conseil dès le 27 décembre 1788. Sans pouvoir décisionnaire, elle y sera régulièrement présente et ses avis compteront dans les décisions prises. Ce faisant, elle outrepasse sa condition de reine, limitée à la fonction de reproduction. Cette intrusion dans la sphère politique est quasiment sacrilège dans un pays qui a inventé la loi salique juste pour éliminer les femmes de la descendance de Philippe le Bel...

in Annie DUPRAT, Marie-Antoinette, 1755-1793, images et visages d'une reine, autrement, Paris, 2013, p.12

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