La princesse de Lamballe, intrigante politique? (3)

Publié le par pimprenelle

Revenons à la princesse de Lamballe Je le dis tout net, son image dégagée par l'ensemble des biographes de la reine ne m'attirait pas tellement au départ. Une personne placide et sans relief. Ou bien une sainte confite en dévotions et sacrifiée par erreur. Ou encore une névropathe qui s'évanouit à la vue d'un homard ou d'un bouquet de violettes.

 

Pourtant, quand on se remet à deux fois à la lecture de Madame de Genlis, on s'aperçoit qu'en fait la princesse affecte de tomber en pâmoison, et quand on prend la peine d'ouvrir une biographie qui ne soit consacrée qu'à elle, on se rend compte que Madame de Lamballe rechignait parfois à suivre les ordres de la reine, disparaissait à la campagne ou s'éternisait en cure.

 

Bref, qu'elle avait peut-être plus de caractère qu'il n'y paraît au premier abord. De plus, sa présence semble attestée à certains endroits et moments pour le moins étonnants.

 

Il n'en fallait pas plus pour piquer ma curiosité, et j'avoue qu'après bien des lectures, je reste avec toutes mes interrogations.

 

Qui était Marie Louise Thérèse de Savoie Carignan, princesse de Lamballe et quel rôle au juste a-t-elle joué auprès de Marie Antoinette?

 

 

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Tout d'abord, à mon avis, il est erroné de faire tourner toute la vie de Madame de Lamballe autour de la reine. Certes, Marie Antoinette a compté énormément pour elle, en tant que souveraine et en tant qu'amie, mais il y avait d'autres personnes qu'elle aimait et qui ont, elles aussi, imprégné son existence.

 

A commencer par Monsieur de Penthièvre, son beau-père, aux côtés duquel elle est restée après le décès de son mari, en 1768. Or, Monsieur de Penthièvre est un homme extrêmement pieux et charitable, mais aussi très travaillé par ses origines bâtardes et un besoin subséquent de reconnaissance. Il est également immensément riche.

 

En 1775, Marie Antoinette nomme Marie Louise Thérèse Surintendante de la Maison de la Reine. L'idée lui en est-elle venue spontanément? Ou lui aurait-elle été soufflée? Peu importe peut-être...

 

Toujours est-il que la princesse conditionne son acceptation à une révision à la hausse des émoluments promis. Elle ne peut en effet pas accepter une fonction qui soit trop en-dessous de sa condition. Son beau-père a évidemment pesé sur cette décision. Mais dans quelle mesure?

 

Il est à noter qu'une fois dans la charge, la jeune femme se montrera très pointilleuse sur les questions de préséance et de hiérarchie. Sa raideur, jointe à des prises de position brouillonnes, finira même par indisposer son entourage.

 

On peut donc se demander jusqu'à quel point, en dehors de toute influence, la conscience de son rang faisait partie de la psychologie de Madame de Lamballe. Il n'est pas impossible même qu'elle ait refusé de se remarier pour cette raison, parce qu'aucune alliance n'aurait pu se réaliser sans la faire déchoir. 

 

 

Marie Antoinette et Madame de Lamballe discutant chiffons avec la marchande de mode Bertin

série télévisée de Guy Lefranc

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Une dignité un peu sèche, donc, voire chatouilleuse, jointe à une nature expansive et généreuse, qui la faisait multiplier les occasions de pratiquer la charité. C'est en sa compagnie, souvent, que Marie Antoinette se livrera à ces bonnes actions qu'épinglent ses hagiographes. Mais c'est avec elle aussi qu'elle accumulera les toilettes et les pertes au jeu les plus extravagantes.

 

Mais laissons la reine un instant pour revenir à la famille de Madame de Lamballe. Sa belle-soeur, la fille de Monsieur de Penthièvre, dont elle est très proche, épouse en 1769 le duc de Chartres, futur duc d'Orléans, qui s'illustrera plus tard sous le nom de Philippe Egalité.

 

L'union fait scandale, en raison des origines de la famille Penthièvre. Mais la richesse immense qu'apporte la mariée fait taire tous les scrupules. Bien vite, Chartres manifeste son opposition au roi. Devenu duc d'Orléans en 1785, il érige le Palais Royal en Cour rivale et Paris en concurrent de Versailles. Dans l'ombre, il favorise les publications scandaleuses qui affaiblissent la couronne.

 

Initié en Franc Maçonnerie, il se fait élire Grand Maître du Grand Orient de France. C'est un progressiste, un grand admirateur des institutions britanniques, qui épousera les idées des Lumières bien avant la Révolution. Il fera partie des nobles qui rallieront le Tiers Etat. Et, en 1793, il votera la mort de son cousin.

 

Que devait penser la petite Lamballe, Surintendante et amie de la reine, qui avait juré de la servir et l'aimait de tout son coeur? Ne se sentait-elle pas déchirée entre Marie Antoinette et sa belle-famille? Certes, Adélaïde de Penthièvre prendra assez tôt des distances avec son impétueux mari. Mais tout de même...

 

Un autre fait attache Marie Louise Thérèse à son beau-fère: elle faisait elle aussi partie de la Franc Maçonnerie, à un grade très élevé. Elle était Grande Maîtresse des Loges Écossaises Féminines Régulières de France. Bien sûr, d'aucuns vous diront que, les femmes en Maçonnerie, à l'époque, c'était de la foutaise, qu'elles ne faisaient qu'y passer le temps et pratiquer les bonnes oeuvres... Je veux bien... Mais le lien fraternel est un symbole puissant, et il unissait bel et bien la princesse de Lamballe au duc d'Orléans.

 
La princesse de Lamballe, intrigante politique? (3)

femmes en loge

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De plus, si Orléans fut notoirement sensible aux idées des Lumières dont on débattait en Loge, pourquoi Madame de Lamballe y serait-elle restée sourde? Il me semble au contraire que ces aspirations d'égalité rencontraient tout à fait l'esprit de charité de la princesse. 

 

Vous le voyez, nous nous éloignons de plus en plus de la petite oie blanche dépeinte par certains historiens. Et l'aventure n'est pas terminée. Madame de Lamballe n'a pas fini de nous intriguer... 

 

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